Sousla prĂ©sidence de Monsieur MATHIEU Alain, la communautĂ© des Soeurs de Saint-Joseph accompagne dans le respect les personnes ĂągĂ©es jusquâau bout de leur vie, quel que soit leur Ă©tat physique et psychique, leurs convictions religieuses ou philosophiques, leur situation sociale et Ă©conomique Chaque personne est unique et mĂ©rite une attention particuliĂšre.
Alzheimer jusqu'au bout la vie: Auteurs : Laurence SERFATY: Type de document : film documentaire Editeur : Altomedia, 2005 En France, on s'intéresse de plus en plus à cette vision. Des responsables d'établissements, comme la directrice de l'Etablissement d'Hébergement de Personnes Agées Dépendantes de Longuenesse, dans le Pas-de-Calais,
Alzheimer jusqu'au bout la vie Laurence Serfaty 2005 - 52 min - DV Cam - Couleur - France Carpe Diem is the story of the staff and residents of medical establishments hosting patients with Alzheimer's. Carpe Diem is the name of such a unit in Quebec. Its philosophy, elaborated by director Nicole Poirier and her staff over the years, is based on the idea of âbuilding a beautiful
Portaildu film documentaire : plus de 40 000 documentaires, 20 000 auteurs-réalisateurs et 500 festivals référencés, extraits et bandes annonces, éditions DVD, répertoire des festivals, actualités de la production, documentation.
Commentgarantir la possibilitĂ© de choisir son chez soi et jusquâau bout de la vie pour les personnes vivant avec la maladie dâAlzheimer ? AprĂšs 75 ans, 2 personnes sur 3 vivant en institution et 1 personne sur 6 vivant Ă domicile prĂ©sentent des troubles cognitifs. Pourtant, ces personnes demeurent les grands oubliĂ©s des rĂ©flexions
DĂ©crire les diffĂ©rentes trajectoires de fin de vie dans la maladie dâAlzheimer et les maladies apparentĂ©es âą Identifier les options quâa le mĂ©decin pour aider les personnes qui ne veulent pas vivre la maladie jusquâau bout? âą DĂ©crire les meilleures pratiques en soins palliatifs dans le cas de personnes avec dĂ©mence au stade terminal âą InterprĂ©ter les rĂ©cents changements
Lamission d'accompagner la fin de la vie est offerte Ă beaucoup ; mais elle ne peut ĂȘtre donnĂ©e Ă tous. Accompagner une personne en fin de vie est sans doute l'acte le moins anodin qu'il soit permis de vivre. Accompagner une personne en fin de vie, c'est l'accompagner vers l'inconnu ; comment alors ĂȘtre rassurant ?
Lefilm documentaire avec approche scientifique « Et au boutla VIE ! » de IlĂ©na Lescaut, met en avant les bienfaits de lâart-thĂ©rapie (intervention paramĂ©dicale) auprĂšs des personnes du grand Ăąge en maison de retraite ou auprĂšs de particuliers, qui prĂ©sentent la maladie de type Alzheimer. Le film a Ă©tĂ© tournĂ© Ă la RĂ©sidence « La BruyĂšre » de Rueil-Malmaison, pendant
mangerjusquâau bout de la vie ? Ce nâest, dans de nombreux cas, ni possible ni souhaitable sans pour autant nuire Ă la personne malade. Refus ou incapacitĂ© Ă sâalimenter Pendant un certain temps, les difficultĂ©s Ă ingĂ©rer toute prise alimentaire solide ou liquide vont ĂȘtre gĂ©rĂ©es : prise en charge dâun trouble de la dĂ©glutition quâelle quâen soit lâorigine avec des
LaFondation de France, soucieuse de promouvoir sans cesse un autre regard sur le vieillissement et dâencou-rager des pratiques Ă©thiques et respectueuses des personnes, rĂ©affirme son attachement Ă la prĂ©servation de la dignitĂ© humaine. Droit au choix, droit au risque jusquâau bout de la vie ou risque de dĂ©possession au moment de la
cVws3MG. On a diagnostiquĂ© un Alzheimer Ă ma mĂšre. Combien de temps pourra-t-elle vivre seule ? RĂ©digĂ© le 12/10/2015, mis Ă jour le 13/10/2015 Les rĂ©ponses avec le Dr Christophe Trivalle, gĂ©riatre, et avec le Dr Philippe Denormandie, chirurgien orthopĂ©diste "Le dĂ©lai entre le diagnostic de la maladie d'Alzheimer et la perte d'indĂ©pendance et d'autonomie d'un malade est variable. Tout dĂ©pend du moment oĂč l'on fait le diagnostic, si le diagnostic est trĂšs prĂ©coce ou s'il est tardif. Pour le moment, on voit encore des diagnostics assez tardifs oĂč la maladie est dĂ©jĂ trĂšs Ă©voluĂ©e. Quand la personne rentre dans la salle de consultation, on fait le diagnostic en deux minutes. C'est donc beaucoup trop tard. L'espĂ©rance de vie des malades d'Alzheimer est la mĂȘme que celles des personnes qui ne sont pas Alzheimer. Il y a eu de gros progrĂšs. Ensuite, il y a tellement de sortes de maladie d'Alzheimer, chaque cas est particulier et l'Ă©volution est trĂšs diffĂ©rente d'un malade Ă l'autre parce qu'il y a des malades qui gardent leur autonomie, en tout cas leur autonomie de la marche, assez longtemps. Ce sont notamment des malades qui dĂ©ambulent, qui marchent sans arrĂȘt. Ces personnes gardent une certaine autonomie, trĂšs longtemps, alors que d'autres vont perdre leur autonomie et vont se retrouver en fauteuil." "C'est toujours le sujet de savoir quelles capacitĂ©s on perd, et quelles capacitĂ©s on garde. Chez les patients Alzheimer, comme les personnes ĂągĂ©es avec d'autres types de pathologies, les tableaux sont trĂšs variĂ©s. Il est important d'avoir une prise en charge trĂšs individuelle. On garde trĂšs longtemps une autonomie pour faire un certain nombre de choses. Le vrai sujet, c'est de respecter ces autonomies qui permettent de continuer Ă faire des choses et de se dire qu'il y en a d'autres sur lesquelles on doit avoir des compensations. Le drame, ce serait d'avoir une approche trop rapide en disant on a une perte d'autonomie dans sa façon globale et Ă ce moment-lĂ , on a tendance Ă faire Ă la place des gens. Or, on sait qu'une des rentrĂ©es les plus rapides dans la dĂ©pendance, c'est de faire Ă la place des gens. "Dans ce domaine, la France n'est pas le pays le plus exceptionnel. Il y a eu des rapports, notamment le rapport Aquino, qui montrent tous les Ă©lĂ©ments qu'il faut suivre pour maintenir au maximum le fait que des personnes peuvent encore faire des choses. Plus on continue Ă faire des choses, plus on retarde la vision de la perte d'autonomie globale. Il y a donc un regard de la personne et un regard de l'environnement Ă la fois familial et professionnel. "Il faut voir Ă quel moment on change le fait de dire qu'il est plus important de faire faire que de faire Ă la place. Il est plus important d'aller jusqu'au bout de l'amĂ©nagement du chez soi plutĂŽt que de dire qu'on va placer la personne dans une organisation. Il faut avoir une rĂ©flexion de l'autonomie et de la capacitĂ©. Et ensuite on adapte. En France, on a beaucoup d'aides humaines et peu d'aides techniques, environnementales alors que dans d'autres pays, on a beaucoup plus d'aides techniques et environnementales que d'aides humaines. Le leitmotiv c'est de continuer Ă faire en sorte que les personnes, si elles le souhaitent, se fassent plaisir et Ă partir du moment oĂč on se fait plaisir, il faut voir comment on peut aider la personne Ă continuer Ă faire des choses. On travaille beaucoup dans ce domaine dans les Ă©tablissements notamment en Allemagne. Il est trĂšs intĂ©ressant de voir la vision des Allemands du respect des capacitĂ©s. C'est vraiment un leitmotiv." Pour ne manquer aucune info santĂ©, abonnez-vous Ă notre newsletter !
1 La dĂ©mence » signifie, perte de sens, folie. Dâune maladie du grand Ăąge on bascule dans lâaliĂ©nation et le gĂątisme, on devient un fardeau humain, psychologique, social. Mais quand on se dĂ©centre pour redonner du sens Ă ce non-sens, celui qui crie sa fragilitĂ© et sa perte dâautonomie sâavĂšre encore avoir des choses Ă dire et qui mĂ©ritent bien dâĂȘtre entendues. LâĂ©thique ne viendra pas ici dâun discours thĂ©orique prĂ©alable mais Ă©mergera de la confrontation Ă des situations concrĂštes sur le terrain et proviendra des patients, des soignants eux-mĂȘmes. LâĂ©thique, nâest-ce pas donner du temps Ă lâautre, donner aux patients ou rĂ©sidents du temps pour encore ĂȘtre au monde ? LâENTRĂE DANS LA MALADIE ET EN INSTITUTION LE TEMPS ET LES MOTS POUR LE DIRE TOUT SAUF ALZHEIMER 2 LâidĂ©e que lâon se fait de la maladie dâAlzheimer est quâelle va modifier celui qui en est atteint, altĂ©rant sa mĂ©moire, sa pensĂ©e, distordant lâĂ©vidence des mots, la reconnaissance dâun visage, la comprĂ©hension des Ă©motions. Plus rien ne viendra plus faire sens, dans ses regards vides oĂč mĂȘme la douleur morale ne se lira plus. Le jeunisme actuel renvoie Alzheimer Ă une pathologie de vieux dĂ©ments ». AssociĂ©e Ă la vieillesse, elle lâest aussi Ă la dĂ©chĂ©ance, la mort de lâesprit avant la mort du corps, une mort dans la vie » Maisondieu, 2011350, une mort sans cadavre », plongeant les aidants dans un deuil blanc ». Le malade est souvent identifiĂ© Ă sa maladie dont les reprĂ©sentations sociales font si peur que la fille dâune de mes patientes disait fiĂšrement Ă une autre fille de parent atteint de cette maladie, Ă©plorĂ©e dans lasalle dâattente vous câest Alzheimer ? Ah non, moi câest pas Alzheimer, heureusement, câest une dĂ©mence sĂ©nile ». Le nom Alzheimer provoque davantage de peur quâun terme scientifique dĂ©crivant ses symptĂŽmes tout sauf Alzheimer ! TOUT SAUF LâINTERNEMENT EN INSTITUTION 3 Le dĂ©sir est lâeffort de rĂ©duction dâune tension issue dâun sentiment de manque. Or les personnes atteintes par la maladie ne dĂ©sirent rien dâautre que de rester chez elles, elles ne sont pas en manque dâEhpad Ătablissements dâhĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes. Ces derniers ne font jamais rĂȘver les personnes quâon souhaiterait y placer ». Peut-on dĂ©sirer entrer en Ehpad ? Seules 5 % des personnes ĂągĂ©es le souhaitent le plus souvent pour rompre leur isolement affectif et social. Le dĂ©sir vient-il alors des proches ? Peut-on dĂ©sirer pour autrui une entrĂ©e en Ehpad ? Ce sera pour les familles la derniĂšre solution envisagĂ©e. Il y a dâabord un dĂ©sir pour le maintien » au domicile et puis aprĂšs peut-ĂȘtre un dĂ©sir pour un placement ». 4 Ces deux mots de maintien » et de placement » Ă©voquent les notions de contrainte, de contention, ou de chosification. On trouve une place Ă un objet, on place de lâargent, ou quand il sâagit de personnes on lâemploie quand on agit, du fait de leur vulnĂ©rabilitĂ© ou de leur incapacitĂ© juridique Ă tenir Ă leur place. On trouve une place en crĂšche pour un bĂ©bĂ©, Ă un chien dans un chenil, Ă lâEsat Ătablissement ou service dâaide par le travail [1] pour un handicapĂ©, en Ehpad pour une malade dâAlzheimer⊠5 Quâen est-il de cette contrainte ? Est-il facile, agrĂ©able dans une relation soignante et accompagnante de contraindre Ă des choix de lieu de vie qui touchent Ă lâintime ? Une contrainte est une rĂšgle obligatoire qui rĂ©duit la libertĂ© dâaction. Elle peut ĂȘtre exercĂ©e de façon physique ou morale, dâailleurs, le terme stress qui dĂ©signe en français dans le langage courant une tension nerveuse », une inquiĂ©tude » signifie contrainte » en anglais. 6 Mais la contrainte peut ĂȘtre aussi un moyen dâassurer la sĂ©curitĂ©, en empĂȘchant un mouvement dâun membre lĂ©sĂ© ou une personne dangereuse dâagir. Doit-on laisser un membre de sa famille rester chez soi, faute de mieux, par manque dâargent, devant un refus des aides ? Ou bien la famille, lâhĂŽpital peuvent-ils contraindre la personne Alzheimer qui, la plupart du temps ne se reconnaĂźt pas malade ou dĂ©pendante, Ă rentrer en institution ? 7 On le voit, toutes ces situations, dans le maintien au domicile ou le placement, sont faites de tensions. Rien nâest simple. Entre dĂ©sir et contrainte, entre fermetĂ© de la main qui maintient et main tendue vers lâautre par souci de le protĂ©ger. Quand on est dans lâimpasse je ne peux te maintenir chez toi, mais je ne peux me rĂ©soudre Ă te placer », la vigilance Ă©thique nous propose cet accompagnement, pour un possible consentir prĂ©alable, nĂ©cessaire Ă toute relation, du maintien au domicile jusquâĂ lâentrĂ©e en Ehpad. Va ici apparaĂźtre un balancement entre refus et acquiescement, clair-obscur du consentement qui peut Ă©merger parfois Ă la suite de ruse, dâomission ou de contrainte. 8 Quel prix payer en termes financier, psychologique, sociĂ©tal, par rapport Ă la santĂ© de lâaidant, de la famille pour maintenir chez elle une personne ĂągĂ©e atteinte de maladie dâAlzheimer Ă©voluĂ©e dont les troubles du comportement sont autant de risques pour elle-mĂȘme et pour les autres ? Les interrogations Ă©thiques sont lĂ©gions oĂč est le principe de justice et dâĂ©quitĂ© ? Est-il lĂ©gitime que sous la double contrainte de la T2A Tarification Ă lâactivitĂ© et de la DMS DurĂ©e moyenne de sĂ©jour des hĂŽpitaux on » place une personne sans dĂ©libĂ©ration au nom du risque zĂ©ro, de la bienfaisance, faute de mieux sans le nĂ©cessaire travail de maillage entre les diffĂ©rents intervenants au domicile, des aidants, de lâinstitution choisie [2] ? LE TEMPS DE LâANNONCE LES MOTS POUR LE DIRE DANSER UN PAS DE DEUX 9 La maladie et lâĂ©tat de vulnĂ©rabilitĂ© consĂ©cutif sont dĂ©jĂ une effraction en soi, souvent vĂ©cus comme une rupture dans le processus de vie dâune personne. Face Ă un individu dĂ©stabilisĂ© par la perte progressive de ses capacitĂ©s adaptatives, dâĂ©laboration, de mĂ©tabolisation, de symbolisation, comment informer sans forcer, sans traumatiser ? Lâinformation donnĂ©e sur le fait dâĂȘtre atteint de la maladie dâAlzheimer peut ĂȘtre dĂ©stabilisante et constituer une nouvelle effraction ; alors quâil sâagit dâinformer pour Ă©clairer la personne sur une situation quâelle traverse, souvent sans la comprendre et sans savoir comment y faire face. De la brĂšche Ă lâinvasion dĂ©bordante, lorsque la psychĂ© est poreuse, dĂ©sintĂ©grĂ©e, dĂ©liĂ©e, comment pouvons-nous faire pour dire sans blesser sans ajouter de la souffrance au malheur ? Il nous faut trouver les mots justes, utiliser des reprĂ©sentations comprĂ©hensibles mais chaque rencontre Ă lâautre est une affaire de singularitĂ©, il ne saurait y avoir de phrase type, de protocole, de mot clef. 10 Aux stades plus Ă©voluĂ©s, le patient ĂągĂ© Alzheimer nous oblige Ă entrer en contact physique avec lui par une position basse, il faut sâaccroupir, se mettre Ă hauteur de ses yeux, de son regard quâil faut capter, de son bras quâil faut toucher. Il faut des mots simples et les dire suffisamment fort. Il faut reformuler, rĂ©pĂ©ter, en sâappuyant sur un registre verbal et non verbal. Il faut revalider les rĂ©actions et les Ă©motions perçues, accepter le refus, diffĂ©rer et revenir, proposer une solution alternative, temporaire, de jour, de renforcement des aides, de retour au domicile, dâambivalence, de part de risques partagĂ©s, accepter de danser avec lui ce pas-de-deux. DES TEMPORALITĂS DIFFĂRENTES 11 Tout placement » en urgence sera mal vĂ©cu et vouĂ© Ă lâĂ©chec. La place est Ă lâanticipation dans un projet partagĂ© par tous les acteurs travaillant au maintien au domicile, les Ă©quipes soignantes et la famille. Il faut pouvoir procĂ©der Ă un travail dans le temps. Mais la temporalitĂ© nâest pas la mĂȘme pour les familles qui se projettent difficilement dans un univers redoutĂ© pour elles-mĂȘmes, vivant parfois un conflit de loyautĂ© jâai promis Ă maman de ne jamais la placer » ou un conflit dâintĂ©rĂȘt entre les enfants ceux qui peuvent payer et ne le veulent pas et ceux qui consacrent et sacrifient leur vie Ă un maintien au domicile impossible faute de pouvoir payer une maison de retraite Ă la hauteur de leurs capacitĂ©s financiĂšres. Et quâen est-il des patients hospitalisĂ©s au dĂ©cours dâune chute, dâune dĂ©compensation physique ou confusionnelle et qui stabilisĂ©s, sont en attente longue et angoissante de placement, faute de famille, faute de place, faute dâargent. Alors il faut attendre lâaide sociale, la mesure de protection. Ils sont en stand-by, en dĂ©shĂ©rence, en dĂ©sespĂ©rance et leur Ă©volution dĂ©mentielle flambe. AMBIVALENCE DEVANT LâINSTITUTIONNALISATION UN SANS CHOIX POUR UN CHEZ SOI ? 12 Comment faire pour accompagner, informer et annoncer que le retour au domicile ne sera plus possible et quâune entrĂ©e en maison de retraite est prĂ©vue. La personne ĂągĂ©e rĂ©pond au Bonjour madame, je viens vous annoncer que demain vous partez en maison de retraite » bon voyage ma fille et surtout nâoublie pas ta valise ! ». Comment dire et faire comprendre Ă une personne ce quâelle ne veut pas entendre ? Lisette, petite femme trĂšs ĂągĂ©e 98 ans et dĂ©mente MMSE 16/30, NSC 4/7 [3], fragile physiquement sortant de plusieurs opĂ©rations pour fractures et hernie, qui a tant bataillĂ© pendant des mois contre les aides Ă domicile, contre lâidĂ©e mĂȘme dâune institution. Alors que ses enfants lui prĂ©sentaient une Ă©ventuelle future chambre dans une Ă©niĂšme maison de retraite, elle dira oui, celle-lĂ je la reconnais câest la mienne, câest moi qui ai tirĂ© les rideaux ce matin ». Un consentement est ici enfin donnĂ©, Ă sa maniĂšre. Et câest cette maniĂšre que le professionnel doit savoir dĂ©crypter. 13 Certains sont en institution depuis longtemps et maintiennent un discours surprenant. Odette, 85 ans MMSE 10/30, en Ehpad depuis six ans me dit bien calĂ©e dans son fauteuil roulant moi je prĂ©fĂšre passer pour une idiote comme ça on mâoublie et jâirai jamais en maison de retraite ». Germaine est confortablement installĂ©e dans un magnifique Ehpad. Sa fille me confie que depuis quatre ans que sa mĂšre y est placĂ©e, tout son hĂ©ritage y passe mais elle me supplie de ne pas lui rĂ©vĂ©ler quâelle Ă©tait en maison de retraite. Germaine me dit Je suis ici de passage, dans une sorte dâhĂŽtel de luxe, ce nâest pas chez moi, je ne comprends pas ce que fait ma commode lĂ , ça doit ĂȘtre une fausse, une copie, heureusement le soir je suis vraiment chez moi et je retrouve la vraie commode ». Il peut donc y avoir mille maniĂšres de continuer Ă ne pas consentir par le discours Ă ce Ă quoi notre corps et un peu notre esprit ont pourtant consenti depuis longtemps. Lâambivalence est au cĆur de ces institutionnalisations. Câest pourquoi nous nâobtenons jamais un consentement libre et Ă©clairĂ© » dâemblĂ©e Ă lâentrĂ©e en institution. 14 Demeurer chez soi câest demeurer soi et lâentrĂ©e en institution nous fait perdre une partie de nous. TĂ©moin encore, Marcel, 78 ans, dĂ©ment sĂ©vĂšre, sa casquette vissĂ©e sur ses cheveux blancs, bien installĂ© devant sa tĂ©lĂ©vision muette, le saxophone Ă sa place dans son Ă©tui, muet lui aussi, vit bien tranquille dans sa maison⊠de retraite, depuis six ans. Il Ă©tait musicien dans un groupe connu et faisait salle comble tous les soirs⊠dans sa tĂȘte. Il avait une belle maison pas trĂšs loin de son Ehpad. Jamais il nâavait fuguĂ© » pour y retourner. Le temps sâest arrĂȘtĂ© Ă son entrĂ©e en maison de retraite. Mais aujourdâhui il faut vendre sa belle maison pour continuer Ă payer sa maison de retraite. Il sây oppose farouchement Pas question ! Câest ma maison jây suis, jây reste⊠». Mais de quelle maison parle-t-il ? Dans quelle maison vit-il ? Ă quoi demande-t-on de consentir en quittant son chez soi ? Ă quitter sa maison ? Pour entrer dans une maison de retraite ? Ă quitter son petit monde ? Ă quitter le monde ? LE TEMPS DES UNS - LE TEMPS DES AUTRES LE TEMPS DES VIEUX RĂSIDENTS 15 Avec le vieillissement le temps se dilate et avec la maladie dâAlzheimer il se contracte dans lâici et le maintenant. Celui de lâhĂŽpital est Ă la fois accĂ©lĂ©rĂ© et immobile dans la frĂ©nĂ©sie et la course des blouses blanches le matin et dans une attente infinie dâune visite qui ne viendra plus le soir. Plus on avance en Ăąge, plus la respiration du temps oscille entre lenteur, rĂ©pĂ©tition alors que lâespace vital se rĂ©duit de la maison devenue trop grande Ă la chambre dâhĂŽpital anonyme quâil faut partager et enfin Ă la tombe. Ce bercement du temps suspend le travail de la faucheuse et ce petit nid de vie protĂšge de tous les chagrins. Ce long mourir renvoie au temps qui dure. Mais tout cela est long par rapport Ă quoi ? Ă lâentrĂ©e en institution ? Au dĂ©but de la maladie ? Ă son Ăąge ? Une patiente de 102 ans me dit dans un soupir câest trop long de mourir surtout si Dieu vous oublie ». 16 Souvent la temporalitĂ© nâest pas la mĂȘme pour les patients qui se cramponnent jusquâĂ lâarrivĂ©e du fils tant attendu puis partent rĂ©conciliĂ©s avec la vie, ou pour ceux qui rendent leur dernier soupir alors que la famille Ă©puisĂ©e par des nuits dâattente sâĂ©tait rĂ©signĂ© Ă rentrer chez elle. LE TEMPS DONNĂ PAR LES SOIGNANTS 17 Dans notre hĂŽpital de prĂšs de 1000 lits, dont 80 % des patients souffrent de troubles dĂ©mentiels Ă des stades modĂ©rĂ©ment sĂ©vĂšres Ă sĂ©vĂšres et dont les troubles du comportement productifs vont imposer une entrĂ©e en institution qui nâa pas pu ĂȘtre Ă©laborĂ©e ni par les malades ni par les familles, la violence du temps contraint de lâhospitalisation, le dĂ©litement de la pensĂ©e des dĂ©ments, le dĂ©sarroi des familles se projettent souvent sur les soignants. Pourtant ils rĂ©sistent, ils sont lĂ , au quotidien, si forts et si fragiles, aux aguets de tout ce qui peut encore signifier des petits soins aux soins de bouche, du don de soi pour un don de soins, de la quĂȘte du sens Ă celle qui fait encore sens comme un rempart au non-sens. 18 La loi du 4 mars 2002 affirme une posture de soin Ă©galitaire alors que la maladie dâAlzheimer impose asymĂ©trie, dissymĂ©trie, position basse et humilitĂ©. Le soignant peut-il ĂȘtre soignant sans ĂȘtre un tant soit peu dans le don, dans ce qui nâest pas contractuel ? Toute la difficultĂ© dans notre sociĂ©tĂ© câest que le temps câest de lâargent ». Comment donner encore du temps, de soi, du soin par lâoubli de soi ? Le mĂ©canisme du don est traditionnellement attachĂ© Ă la sphĂšre privĂ©e, familiale, en opposition avec la sphĂšre Ă©conomique, oĂč devrait prĂ©dominer la relation rationnelle, contractuelle et marchande. Mais la sphĂšre publique implique elle aussi une forme de don au collectif, ce quâon appelle le service public ». Or, les soignants sont souvent Ă lâinterface de ces diffĂ©rentes sphĂšres, publique pour le service, Ă©conomique avec la T2A, technique, et privĂ©e dans tout ce qui est accompagnement, relation interpersonnelle avec les patients. Câest pourquoi leur pratique est marquĂ©e par une interpĂ©nĂ©tration des mĂ©canismes commerciaux et de ceux du don de soi », interpĂ©nĂ©tration souvent mal analysĂ©e par les protagonistes eux-mĂȘmes, et par-lĂ menant Ă une confusion relationnelle. Face Ă lâoubli dĂ©mentiel institutionnel qui sacrifie le prendre-soin » care au bĂ©nĂ©fice dâun faire-le-soin » cure, que proposer ? 19 En rĂ©action au rejet que subit la personne malade dâAlzheimer, la posture aimante » agapĂš Fiat & Geoffroy, 2009226 cherche Ă reconstruire, Ă ravauder des lambeaux dâidentitĂ©. Elle tĂ©moigne que lâabsence de guĂ©rison nâempĂȘche pas lâaccompagnement de la restauration dâun pouvoir-faire et, plus encore, dâun pouvoir-ĂȘtre. Ce nâest pas parce que le sujet malade dâAlzheimer est inguĂ©rissable que sa vie est dĂ©sormais vide dâespĂ©rance et, Ă la violence de la stigmatisation, elle engage une lutte pour que soit reconnue la permanence dâune identitĂ© personnelle du sujet malade. Les soignants dans cet ultime corps Ă corps, remarquables passeurs de vie sont lĂ , ne partent pas, restent, donnant du temps au temps, un mot, un regard, une parole, une main chaude. RENDRE POSSIBLE UNE DERNIĂRE OREILLE 20 Pour quâune parole puisse se dire, pour quâun regard puisse se saisir, pour quâune main puisse se caresser, il faut du temps. Ici, câest bien que le temps institutionnel soit long, au milieu dâune sociĂ©tĂ© oĂč lâon veut que tout aille vite. 21 En SLDSoins de longue durĂ©e rares sont les patients ayant des visites ». Ils sont souvent pauvres, sans famille, sans toit, sans ressources cognitives, physiques, psychiques. Ils sont tous dĂ©ments Ă un stade Ă©voluĂ©, tous dĂ©rangeants, tous refusĂ©s par les maisons de retraite sollicitĂ©es en amont. Pourtant dans ce dĂ©sert affectif luit encore une petite lumiĂšre, celle de lâaltĂ©ritĂ©, car chacune, chacun a droit Ă une fin de vie digne, qui nous prĂ©occupe, nous soignants, accompagnants de lâombre. Les plus exclus des exclus ont droit Ă une mise en biĂšre digne, Ă lâaccompagnement de la psychologue et des soignants, Ă des fleurs, Ă une pensĂ©e⊠Non ! Personne ne part sans une parole, une inscription dans un rituel humain, sans larmes ni tombe. Au chevet du mourant, il ne sâagit pas tant de faire quelque chose que dâĂȘtre lĂ , pas tant de dire que dâĂ©couter ouvrir unvide de bonne qualitĂ©, Ă lâintĂ©rieur duquel les paroles du mourant peuvent se dĂ©ployer ; une chambre dâĂ©cho Ă la meilleure acoustique possible, y compris pour que sa rĂ©volte, et son angoisse sâexpriment Fiat, 2011116-117. Câest le dernier secret qui peut ĂȘtre dit de la longue plainte des cris incessants sort une main qui mâaccroche et me dit câest foutu, je suis un salaud, jâavais deux foyers un vrai et un faux mais aussi des enfants, il faut le dire pour pas me tromper elles avaient le mĂȘme prĂ©nom, Chantal, je suis un salaud et mĂȘme pas de curĂ© pour me faire passer ». Dans la nuit RenĂ© a rejoint les Ă©toiles sans cri, mais en chuchotant dâune voix nouvelle, libĂ©rĂ©e de son secret. 22 Est-ce que je suis dĂ©jĂ mort » ? me dit ce patient fĂ©brile et Ă©garĂ© dans cette vie dĂ©litĂ©e que la maladie dâAlzheimer a sapĂ©e inlassablement depuis des annĂ©es, suspendue entre finitude, abandon, rejet, acceptation, accompagnement. Jusquâau bout il viendra dire son appartenance au monde des vivants par cette interrogation si pertinente. Comment en effet ne pas se sentir dĂ©jĂ mort dans un service de SLD oĂč rien ne ressemble Ă ce quâil avait pu imaginer mort sociale, mort cognitive, mort physique, ce corps si maigre et qui ne rĂ©pond plus, ces pensĂ©es qui piĂ©tinent dans un prĂ©sent quâil ressent comme hostile, des lambeaux de vie qui sâĂ©parpillent. Qui pourra redonner du sens Ă cette fin de vie qui nâen finit pas SLD, long mourir en institution, longs soupirs, longs cris, longues mains dĂ©charnĂ©es qui se tendent⊠à moi, Ă moi », dit un autre, jâai peur, jâai peur de la nuit pour toujours, donnez-moi la main, elle est chaude, oui de la chaleur dans ma main pour partir dans le froid de la nuit ». 23 Il faut aussi donner ce temps Ă des familles qui le souhaitent, laisser la place Ă lâinventivitĂ©, que la pesanteur institutionnelle laisse se vivre quelques moments de grĂące. Camille souffre dâAlzheimer depuis 15 ans. Elle est en phase terminale de sa maladie. Le silence et lâapathie, le regard vide et le visage Ă©maciĂ©, ont pris la place de la tyrannie des troubles psycho-comportementaux, des cris, des crachats. Elle est alitĂ©e depuis des semaines dans un long temps, dilatĂ© vers une mort trĂšs attendue par sa famille parce que aprĂšs tout ce quâelle nous a fait, il faut que ça cesse, faites quelque chose docteur pour accĂ©lĂ©rer, vous me comprenez⊠Câest insupportable de voir ça ». Camille nâa plus de nom, elle est rĂ©ifiĂ©e il faut que ça » finisse. Mais dans la magie de la vie, Camille a deux petites filles merveilleuses et inventives, tous les jours de sa lente agonie elles sont venues recueillir ses paroles et les enregistrer sur un air de musique du Petit bal perdu de Bourvil⊠alors tu te souviens de quoi mamie ?... » De la pluie, des fraises des bois, du Cantal, des cuisses des footballeurs, je ne me souviens mĂȘme pas de toi ma jolie ». Et la veille de sa mort Camille dit dans un Ă©clat de rire quâest-ce que je vais me regretter quand je ne serai plus là ». Ses petites-filles ont fait un trĂšs joli montage de ces derniers moments avec elle quâelles mâont confiĂ©, magnifique testament de vie et dâamour que la maladie dâAlzheimer nâa en rien altĂ©rĂ©. IL Y A ENCORE DU SENS 24 Le patient Alzheimer a besoin de lâautre pour le rĂ©inscrire dans son histoire. Mais pour cela, la communication avec lui ne saurait se faire dans une attention simplement bienveillante et flottante, dans une distanciation polie, ou comme nous lâentendons encore aujourdâhui dans la simple attente dâune demande ». La relation Ă©thique implique plus. POUVOIR ENCORE DIRE SA DOULEUR ET SA SOUFFRANCE 25 MalgrĂ© lâanosognosie des dĂ©mences qui nâest quâun des aspects de la conscience de soi, câest-Ă -dire conscience de ses perceptions, de son image corporelle, de son affect, de son identitĂ©, de ses capacitĂ©s dâintrospection, je suis frappĂ©e dâune communication possible et donc dâune rĂ©intĂ©gration dans le monde des humains de nos patients qui, mĂȘme privĂ©s de toute thĂ©orie de lâesprit [4] sont capables non pas dâempathie, qui sâapplique aux sentiments et aux Ă©motions, non pas de raisonnements, mais dâĂȘtre au monde pour peu quâon soit Ă leur Ă©coute. 26 La maladie dâAlzheimer, maladie de la mĂ©moire ne prend pas tout, tout de suite, Ă celui quâelle atteint. En sâappuyant sur la mĂ©moire Ă long terme, implicite ou procĂ©durale, pour retrouver un souvenir, on rĂ©-indice » et lâon peut faire naĂźtre de nouveaux modes dâĂȘtre au monde avec de rĂ©els moments de fulgurance du dire. TĂ©moin, cette veuve, qui a perdu en trĂšs peu de temps son mari, sa fille dâun cancer et son petit-fils dâun accident de moto. Parlant de lâensemble des rĂ©sidents Moi, je fais partie du pot au feu ! Vous voyez ici on est dans la mĂȘme marmite, il y a des poireaux, des carottes, moi je suis une pomme de terre, parce quâune pomme de terre ça souffre pas » me dit Jeanne avec des yeux plissĂ©s de malice mais dĂ©lavĂ©s par les malheurs je ne peux plus pleurer alors je pense » poursuit-elle. ET QUâEN EST-IL DES COUPLES ? 27 Tous les deux dĂ©ments sĂ©vĂšres, sans enfant. Elle part la premiĂšre, si fragile et digne dans son refus de le lui dire, et lui qui dit Ă la psychologue venue lui annoncer la terrible nouvelle non, vous mentez, une belle petite femme comme ça, ça peut pas mourir, je lâai vue hier, elle Ă©tait en pleine forme ». Et le matin de la levĂ©e du corps, il dit aprĂšs un long baiser sur le front jâai compris elle ne reviendra plus ». Il est restĂ© prostrĂ© dans le service de longs moments puis des larmes humaines, si humaines, silencieuses se sont misent Ă couler le long de ses joues ravagĂ©es par la maladie et les annĂ©es, lui qui encore la veille faisait si peur au personnel, terrifiant dans sa posture immense, criant, bousculant tout ce quâil trouvait sur son passage, lui que jâavais trouvĂ© errant dans le parc, rĂ©calcitrant, menaçant, en plein dĂ©lire ». 28 Voici encore ces jumelles ĂągĂ©es de 92 ans ayant toute leur vie vĂ©cu ensemble, sans mari, sans enfant, lâune pour lâautre. Lâune par lâautre. Lâune sâen va avant lâautre qui reste hospitalisĂ©e dans le service, agressive et errante, Ă la recherche de lâautre. On lui dit quâelle est partie oui mais elle va revenir ? » â Non elle est dĂ©cĂ©dĂ©e »⊠Ah bon elle va revenir alors » ? â Non, dâailleurs demain on vous accompagnera Ă la levĂ©e du corps », ce qui fut fait. Elle lâembrasse sans tristesse et dit Pourquoi elle ne lĂšve pas si câest la levĂ©e du corps ». Avec une infinie patience nous avons pu, malgrĂ© sa maladie dâAlzheimer, lâaccompagner dans le deuil de sa moitiĂ©. 29 Et cette autre enfin qui se donne des claques je suis bĂȘte, je suis crĂ©tine, je ne sais rien parce que je suis une idiote ». Elle se donne de petites claques, je finis par lâinterrompre puis je lui demande, pourquoi vous punir ? Parce que se souvenir câest trop de douleur, câest mieux pour mon mari, câest plus facile de placer une idiote ». 30 Et quand plus rien ne sort », nâoublions pas que lâabsence de parole nâest jamais dĂ©faut de signifiance. ElĂ©onore est couchĂ©e sur la table de la salle Ă manger-salon et dort la tĂȘte dans les bras, elle refuse de manger, refuse de parler, et les soignantes habituĂ©es la laissent tranquille » parce que sinon ça crache ». Elle nâest mĂȘme plus digne dâun regard, elle est au mieux vĂ©cue comme un animal dĂ©charnĂ©, sale et dangereux. Je lâappelle par son nom, me rapproche, lui touche le bras en mâaccroupissant. Et ses yeux dans les miens, jây lis un consentement Ă une rencontre et lui explique lâobjet de ma mission mâentretenir avec elle pour une tutelle. Pourtant la situation est compliquĂ©e Ă comprendre un tuteur ? Mais câest pour les tomates Ă la ferme ? Parce que moi je suis dans la volaille ! », me dit-elle soudain redressĂ©e et fiĂšre de son mĂ©tier. Elle poursuit remarquez ici aussi il y en a de la volaille, et regardez cette pintade » me dĂ©signant une autre pensionnaire ou celui-lĂ un poulet dĂ©plumĂ© ! »... Ah bon, ça » parle ? », me dit une soignante mĂ©dusĂ©e quâun ça » parle et devienne un sujet, un Je » sâexprimant, un ĂȘtre de logos. Ainsi cette patiente Ă laquelle je demandais lâheure me rĂ©pondit comment voulez-vous que je sache⊠câest en francs ou en euros ? », ou bien cet homme hagard le regard fiĂ©vreux mais digne qui veut se suicider et qui me dit mais moi je vaux 190 euros alors vous comprenez ici câest pas pour moi ». Ou cette autre lors de la pesĂ©e qui, regardant ses pieds sur la balance dit satisfaite tiens ! Il est dix heures dix ! », ou encore ce couple qui ne se connaĂźt pas, elle en fauteuil roulant, hĂ©lant tout le monde Ă la volĂ©e, lui trottinant en biais, chancelant ah te voilĂ enfin ! », lui dit-elle tu en as mis un temps pour aller chercher le journal ! ». Et lui de lui rĂ©pondre mais tu sais on ne sâest pas revu depuis la communion de la petite, ⊠câĂ©tait hier pourtant⊠». Cette conversation surrĂ©aliste a continuĂ© un bon moment, chacun essayant de recoller les morceaux dâune histoire en devenir. 31 On le voit, dans lâici et le maintenant, les patients malades dâAlzheimer sont encore, pour peu quâon leur accorde une prĂ©somption de compĂ©tence, capables de parler dâeux, de leur histoire, dâĂ©mettre des opinions et des choix, dâutiliser des ressources psychiques qui ne demandent quâĂ sourdre. Et quand on prend le temps, la rĂ©surgence de compĂ©tences prĂ©servĂ©es, dâun possible ĂȘtre au monde, peuvent Ă nouveau sâexprimer dans un sourire, un goĂ»ter pris ensemble, une chanson fredonnĂ©e, un dessin, permettant lâaccĂšs Ă des pĂ©pites de vie et Ă une volontĂ© de communiquer. 32 Ces malades nous ressemblent et font partie de lâhumanitĂ©, parce que la vulnĂ©rabilitĂ© de lâautre nous renvoie Ă notre propre vulnĂ©rabilitĂ©, Ă la potentialitĂ© que nous avons aussi dâĂȘtre diminuĂ©, fragilisĂ© et de mourir. Face Ă la maladie de lâoubli, lâinstitution souffre aussi et peuvent apparaĂźtre des attitudes dâinfantilisation, de distanciation, dâĂ©vitement, de nĂ©gligence. Mais au-delĂ des bouleversements de la construction identitaire du malade dâAlzheimer, des Ă©clats de vie persistent, des capacitĂ©s crĂ©atives langagiĂšres ou picturales nous interpellent. Leur identitĂ©-mĂȘmetĂ© » parle encore dâun sujet dans une permanence de Soi et capable de consentir ou dâassentir dans ses choix de lieu de vie. Cette rĂ©vĂ©lation redit son appartenance Ă lâhumanitĂ© qui ne dĂ©pend en rien de ses fonctions cognitives mĂȘme altĂ©rĂ©es mais qui est donnĂ©e par lâautre. Parfois derriĂšre la confusion, les silences des patients, se lit une derniĂšre histoire de vie. Il faut ĂȘtre lĂ , prendre le temps de les regarder comme des ĂȘtres humains qui savent ou sentent quâils vont mourir. 33 Signifier jusquâau bout le dĂ©ment a encore besoin de nous, car tout est signifiance, quand la parole nâest plus les silences, les pauses respiratoires, les regards, les mains qui sâaccrochent se tendent oĂč sâabandonnent, le visage, ce visage qui est une plainte, un commandement, un appel au prendre soin et sur lequel il est inscrit tu ne tueras point ». Les malades dâAlzheimer ont besoin de la mĂȘme prise en charge que toute personne en fin de vie. Jusquâau bout ils viennent nous dire leur appartenance Ă lâhumanitĂ©. Encore faut-il quâune autre humanitĂ© soit lĂ pour lâentendre. 34 ? Notes [1] Les Esat ont succĂ©dĂ© aux CAT Centres d'aide par le travail. [2] Le plus souvent par dĂ©faut, parce quâon ne peut pas payer et que lâaide sociale et la mesure de protection demandĂ©e vont prendre plusieurs mois dâattente. [3] MMSE Mini mental scale de Folstein en 30 points qui permet de quantifier le degrĂ© de sĂ©vĂ©ritĂ© de la dĂ©mence de lĂ©ger 30-26, Ă modĂ©rĂ© 26-20, Ă modĂ©rĂ©ment sĂ©vĂšre et sĂ©vĂšre <10. NSC Niveau socio-culturel quâil est nĂ©cessaire de corrĂ©ler aux dĂ©ficits cognitifs Ă©chelle de 0 Ă 7 selon Duizabo et Barbizet, 0 correspondant Ă illettrĂ© » et 7 Ă©tudes supĂ©rieures ». [4] La thĂ©orie de lâesprit » signifie la capacitĂ© Ă attribuer Ă autrui des intentions, Ă sâimaginer ce que pense